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     Les "grands" auteurs inspirent souvent plus de peur que d'attirance - lorsqu'ils ne sont pas associés à de fâcheux souvenirs d'école... Leurs oeuvres paraissent si monumentales, si imposantes, les "spécialistes" en parlent si doctement, qu'elles intimident. On se dit qu'on ne saurait en venir à bout, qu'elles sont trop longues, trop difficiles, trop... C'est un tort bien souvent. Balzac, Tolstoï, Dostoïevski paraissent d'autant plus "difficiles" qu'on n'a jamais tenté de se plonger dans l'une ou l'autre de leurs oeuvres.

 Encore faut-il, sans doute, les aborder par l'œuvre la plus susceptible de nous séduire; et lorsqu'il s'agit d'un auteur étranger, il est tout aussi important que ses oeuvres aient été correctement traduites. Or, à cet égard, Thomas Mann a eu la chance de bénéficier, en France, de traducteurs de talent - Maurice Betz et Louise Servicen, principalement - qui ont su rendre de manière remarquable le ton, l'humour et le style des oeuvres qui leur étaient soumises. Dans la plupart des cas, Thomas Mann a du reste lui-même supervisé les dites traductions, peuvent être abordées en toute confiance par conséquent.

  En ce qui concerne l'oeuvre par laquelle Thomas Mann peut être abordé de préférence, il s'agit bien entendu, en tout premier lieu, d'une affaire de goût et de sensibilité personnels. On peut néanmoins proposer un certain nombre de "voies d'accès" plus aisées que d'autres. La Montagne Magique, précisément, se mérite. L'aborder de front, sans s'être un tant soit peu familiariser au préalable avec quelques-uns des thèmes chers à l'auteur, risque fort de rebuter, à moins d'être déjà une lectrice ou un lecteur aguerri.

  On peut aborder bien entendu  un auteur en prenant ses oeuvres dans leur ordre chronologique. C'est une solution. Pas forcément la meilleure. On peut aussi tourner autour de lui en somme, dans un premier temps; c'est-à-dire l'aborder par d'autres oeuvres que par ses oeuvres réputées "majeures" - ce qui signifie, dans la plupart des cas, par ses nouvelles, lorsqu'il en a écrites.

  Et Thomas Mann a été un grand auteur de nouvelles et de brefs romans, parmi lesquels La Mort à Venise est sans doute le plus célébre. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille nécessairement aborder Thomas Mann par lui. D'autres de ses oeuvres sont plus immédiatement séduisantes, comme TONIO KRÖGER.

 

 

   Il est également un recueil regroupant un ensemble de nouvelles très variées, tantôt humoristiques, voire burlesques, tantôt cruelles, qui permettent de se familiariser avec l'esprit des oeuvres de Thomas Mann, et d'autant plus que plusieurs présentent des personnages qui, sous des formes légèrement différentes, approfondies, apparaîtront de nouveau dans les grands romans. Il s'agit de DÉCEPTION et AUTRES NOUVELLES.

   Autre oeuvre d'approche de Thomas Mann est le recueil MARIO et LE MAGICIEN, plus âpre que le précédent, plus sombre aussi, qui porte la marque de la nouvelle qui lui a donné son titre. Toutefois, la diversité de ton des nouvelles ici présentées permet de porter un regard panoramique sur le Thomas Mann "critique-de-son-époque", lucide quant aux conséquences de la déliquescence d'une fraction du corps social allemand au début des années 20 et du «bourbier spirituel» dans lequel une certaine bourgeoise intellectuelle moyenne de cette époque avait tendance à s'enfoncer avec des frissons de délice.

  Parmi les grands romans de Thomas Mann, le plus aisé à aborder est sans conteste LES BUDDENBROOK - chronique familiale (le roman porte en sous-titre Le déclin d'une famille) qui permet de pénétrer de plain pied dans l'univers du romancier, avec ses deux pôles (le Nord, l'Allemagne hanséatique, la rigueur, le labeur consciencieux, le devoir, les affaires... et le Sud, l'Italie, la sensualité, les tentations interdites, l'art, peut-être aussi le diable - mais si attirant!), son atmosphère  fin-d'une-époque, l'évocation de la figure de l'artiste comme ultime rejeton, décadent, d'une famille de grands commerçants.

  Il est aussi des romans de Thomas Mann, que d'aucuns prétendent à tort "secondaires", qui permettent de se faire du romancier un image un peu moins "marmoréenne" que celle qui vient spontanément à l'esprit, lorsqu'on évoque la figure d'un "Grand Auteur". Il s'agit, notamment, de l'hilarant ÉLU ou du très sulfureux FÉLIX KRULL, roman inachevé mais dont le ton et l'humour - poussé très loin - permettent de se faire de Thomas Mann une autre image.

  Viennent donc, enfin, les monuments : La Montagne Magique, Joseph et ses Frères, Le Docteur Faustus - et là, plus que jamais, tout dépend de ses propres centres d'intérêt. L'amateur de musique classique donnera évidemment sa préférence à Faustus, tandis que l'amateur de mythe se délectera de Joseph et l'intellectuel, de La Montagne, avec ses longues joutes oratoires opposant les deux figures - inoubliables - de Settembrini, l'humaniste, l'esprit démocratique, et de Léon Naphta, le jésuite communiste, finalement supplantées par Dionysos / Mynheer Peeperkorn.