Le Bohémien dans une roulotte verte

1875 / 1905

 

 «Oui, il y avait quelque chose de singulier en lui sous tous les rapports, qu'il le voulût ou non, et il était seul et exclu du milieu des gens comme il faut et habituels, bien qu'il ne fût pourtant pas un bohémien dans une roulotte verte, mais le fils du consul Kröger, de la famille des Kröger»

TONIO KRÖGER

 

1875

6 juin

 

Naissance à Lübeck de Thomas Mann, second fils du Sénateur Thomas Johann Mann et de Julia da Silva-Bruhns 

  «Alors que mon père était petit-fils et arrière-petit-fils de citoyen lübeckois, ma mère vint au monde à Rio de Janeiro - fille d'un planteur allemand et d'une Brésilienne créole portugaise - et fut, à sept ans, transplantée en Allemagne. De type nettement latin, elle a été dans sa jeunesse une beauté très admirée et douée d'un extraordinaire sens musical. Si je recherche l'origine héréditaire de mes aptitudes, je ne puis m'empêcher de penser au vers célèbre de Goethe et de noter que moi aussi je dois "la conduite sérieuse de ma vie" à mon père, et à ma mère en revanche "ma nature enjouée, ma sensibilité artistique" et, dans la plus vaste acceptation du mot, "le goût de l'affabulation".

  Mon enfance fut heureuse et choyée. Nous étions cinq frères et soeurs, trois garçons et deux filles, et nous grandîmes dans une élégante maison citadine que mon père avait fait construire pour lui et les siens. Nous jouissions en outre d'une seconde demaure, la vieille habitation familiale, près de l'église de Sainte-Marie, que ma grand-mère du côté paternel occupait seul et qui, aujourd'hui, devenue la "maison des Buddenbrook" est l'objet de curiosité pour les étrangers.»

(Thomas Mann, Esquisse de ma vie)

* * *

«Flemmard, buté, plein d'une ironie dissolue à l'égard [de mes études], les professeur de la vieille et vénérable institution m'exécraient. Ces hommes excellents me prédisaient d'une seule voix, à juste titre, en se basant sur leur expérience et toutes les probabilités, un naufrage inévitable. [...] Aussi redoublai-je mes classes, jusqu'au jour où l'on me délivra mon certificat d'aptitude au service miltaire d'un an.

Muni de ce papier, je filai sur Munich où, après la mort de mon père, ma mère avait transféré ses pénates; et comme j'avais vergogne à m'abandonner tout de go à l'oisiveté, j'entrai (le mot "provisoire" au fond du coeur) comme volontaire dans les bureaux d'une société d'assurances. Mais loin de chercher à m'initier aux affaires, je trouvai bon d'écrire à la dérobée, sur mon siège à pivot, une histoire en vers, une histoire d'amour entremêlée de vers, que j'arrivai à faire imprimer dans une revue mensuelle d'inspiration frondeuse, dont je tirai d'ailleurs quelque vanité.»

(Thomas Mann, Dans le miroir)

* * *

La marche triomphale, stupéfiante, de mon roman bourgeois [Les Buddenbrook], ne pouvait manquer d'influer sur les conditions de ma vie. J'avais fait mes preuves, ma sourde opposition à toutes les exigences conformistes du monde se justifiait, la société m'accueillait - pour autant que je me laissais accueillir. Dans les tentatives de ce genre, la société n'a jamais eu beaucoup de succès. Toujours est-il que je commençai à fréquenter certains salons munichois à ambiance artistico-littéraire, surtout celui de la poétesse Ernst Rosmer, femme du célèbre avocat d'assises Max Bernstein. De là, je passai dans la maison Pringsheim de l'Arcisstrasse, un centre de vie mondaine artistique sous Louis Il et la Régence, l'époque de Lenbach, aux obsèques grandioses duquel j'ai assisté. L'atmosphère de la grande maison familiale qui me rappelait les conditions de mon enfance me fascina. Ce qui m'était déjà familier, dans l'esprit d'une élégance culturelle de commerçants, je le retrouvai là, plus mondain et haussé au plan de la magnificence artistique et de la littérature. Chacun des cinq enfants déjà grands (ils étaient cinq comme chez nous, les plus jeunes une paire de jumeaux) possédait une bibliothèque personnelle aux belles reliures, sans parler de la riche collection d'ouvrages sur l'art et la musique appartenant au père de famille, wagnérien de la première heure, qui avait connu le maître. Au prix d'un intelligent refoulement, il s'était voué, non à la musique, mais aux mathématiques que d'ailleurs il enseignait. La maîtresse de maison, issue d'une famille d'écrivains berlinois, fille d'Ernst et Hedwig Dohm, pleine de compréhen­sion pour ma vie et mon oeuvre juvénile, ne s'opposa pas à l'inclination passionnée que je conçus pour la fille unique de la maison, et que mon isolement ne m'avait pas appris à dissimuler devant tout le monde. Un grand bal chez les Pringsheim, dans les salles dorées de style Renaissance, fête brillante où se pressait une nombreuse affluence, et où pour la première fois peut-être, je sentis les rayons de la faveur et de la considération publiques, amena à maturité des sentiments sur lesquels je pouvais espérer édifier ma vie.

(Thomas Mann, Esquisse de ma vie)

 

 

Julia da Silva-Bruhns - qui initia son fils à la musique de Richard Wagner

Le sénateur Thomas J. Mann

1891

Mort de seon père. Liquidation de la Société Mann

 

1894

Arrivée à Munich où il est employé dans une société d'assurance. Première nouvelle : Gefallen

1895/96

Collabore à la revue dirigée par son frère aîné Heinrich et suit des cours à la Technische Hochschule

(Cliquez sur les images)

La "Maison des Buddenbbrok"

 

1896/98

 

Séjour en Italie. Entame la rédaction des Buddenbrooks

1900

  Service militaire, durant quelques mois seulement

 

P.E., K.H., A.M., W.T. 

 

1901

 

Publication des Buddenbrooks - le Déclin d'une Famille

 

1903/1904

 

Publication de Tristan, Tonio Kröger, Beim Propheten

 

1905

 

Épouse Katharina (Katia) Pringsheim.

Naissance de leur fille Erika

Munich - le Palais Pringsheim - Arcisstrasse 12